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THÉOLOGICO-POLITIQUE.

prendre avec autant de certitude qu’ils en ont eux-mêmes ; et cela, sans le secours de la foi.

Ainsi donc, puisque notre âme, par cela seul qu’elle contient en soi objectivement la nature de Dieu et en participe, est capable de former certaines notions qui lui expliquent la nature des choses et lui enseignent l’usage qu’elle doit faire de la vie, nous pouvons dire que l’âme humaine considérée en elle-même est la première cause de la révélation divine ; car, ainsi que nous l’avons déjà remarqué, tout ce que nous concevons clairement et distinctement, c’est l’idée de Dieu, c’est la nature qui nous le révèle et nous le dicte, non par des paroles, mais d’une façon bien plus excellente et parfaitement convenable à la nature de notre âme : j’en appelle sur ce point à l’expérience de tous ceux qui ont goûté la certitude de l’entendement. Mais comme mon principal objet est de traiter exclusivement de ce qui concerne l’Écriture, je ne pousserai pas plus loin le peu que je viens de dire touchant la lumière naturelle ; et je passe immédiatement à l’examen des autres causes ou moyens dont Dieu se sert pour révéler aux hommes ce qui excède les limites de la connaissance naturelle et aussi ce qui ne les excède pas, car rien n’empêche que Dieu ne communique aux hommes par d’autres moyens ce qu’ils peuvent connaître par les lumières de la nature.

Or il faut remarquer avant tout qu’on ne peut rien dire sur cette matière qui ne soit tiré de la seule Écriture. Que dire en effet sur des choses qui surpassent notre entendement, si ce n’est ce qui est sorti de la bouche des prophètes ou ce qui est consigné dans leurs écrits ? Et comme aujourd’hui nous n’avons plus, que je sache, de prophètes, il ne nous reste évidemment qu’à examiner les livres sacrés que les anciens prophètes nous ont laissés ; avec cette condition de prudence, toutefois, que nous n’établirons rien en pareille matière et n’attribuerons rien aux prophètes qui ne résulte avec clarté de leurs propres déclarations.