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THÉOLOGICO-POLITIQUE.

n’enseigne en aucun endroit que Dieu soit incorporel, sans figure, et qu’on ne puisse le représenter par une image, mais seulement qu’il y a un Dieu, qu’il faut y croire, et n’adorer que lui ; et c’est seulement pour que le culte de Dieu ne fût point abandonné que la loi défendit de s’en former et d’en façonner aucune image. Car les Juifs, n’ayant jamais vu d’image de Dieu, n’en pouvaient façonner aucune qui fût ressemblante ; elle aurait été nécessairement copiée sur quelque créature, et tandis qu’ils auraient adoré Dieu sous cette fausse image, leur pensée aurait été occupée de cette créature et non pas de Dieu, de sorte que c’est à elle qu’ils auraient rendu les hommages et le culte qui ne sont dus qu’à Dieu. Mais, en réalité, l’Écriture dit clairement que Dieu a une figure, puisqu’elle dit que Moïse, au moment où il entendait parler Dieu, regarda sa figure, et sans être assez heureux pour la voir, en aperçut toutefois les parties postérieures. Je suis donc convaincu que ce récit cache quelque mystère, et je me réserve d’en parler plus bas avec étendue, quand j’exposerai les passages de l’Écriture qui marquent les moyens dont Dieu s’est servi pour révéler aux hommes ses décrets.

Que la révélation ne se soit faite que par des images, c’est ce qui est évident par le premier livre des Paralipomènes, chap. 22, où Dieu manifeste sa colère à David par un ange qui tient une épée à la main. Il en arrive autant à Balaam. Et bien que Maimonides se soit imaginé avec quelques autres que cette histoire, et toutes celles où il est parlé de l’apparition des anges, comme celle de Manoa, d’Abraham, qui croyait immoler son fils, etc., sont des récits de songes, parce qu’il est impossible de voir un ange les yeux ouverts, cette explication n’est qu’un bavardage de gens qui veulent trouver bon gré mal gré dans l’Écriture les billevesées d’Aristote et leurs propres rêveries ; ce qui est bien, selon moi, la chose du monde la plus ridicule.

C’est par des images sans réalité et qui ne dé-