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THÉOLOGICO-POLITIQUE.

est le maître des vents. C’est encore pour cette raison que les miracles sont appelés ouvrages de Dieu, ce qui veut dire des choses très-merveilleuses, puisque toutes les choses naturelles sont des ouvrages de Dieu, et n’existent et ne se développent que par la seule puissance de Dieu. On doit donc prendre dans ce sens le Psalmiste quand il appelle les miracles d’Égypte des effets de la puissance de Dieu ; ce qui veut dire que les Hébreux, qui ne s’attendaient à rien de semblable, ayant trouvé dans les plus extrêmes périls un moyen de salut, en furent frappés d’étonnement.

Ainsi donc, puisque ce sont les ouvrages extraordinaires de la nature que l’on appelle ouvrages de Dieu, et que les arbres d’une hauteur prodigieuse sont nommés arbres de Dieu, il ne faut point s’étonner que dans la Genèse les hommes d’une grande force d’une grande stature soient appelés fils de Dieu, quoique impies du reste, ravisseurs et libertins. C’est donc une coutume antique, non seulement des Juifs, mais aussi des païens, de rapporter à Dieu tout ce qui donne à un objet un caractère d’excellence et de supériorité. Aussi nous lisons que Pharaon, dès qu’il eut entendu l’interprétation du songe qu’il avait fait, dit à Joseph que l’esprit des dieux était en lui. Nabuchodonosor en dit autant à Daniel. Rien de plus fréquent chez les Latins, qui disaient d’un ouvrage fait avec art : cela est fait de main divine ; ce qu’il faudrait traduire ainsi en hébreu (comme tous les hébraïsants le savent fort bien) : cela est fait de la main de Dieu.

On voit donc qu’il est aisé de comprendre et d’interpréter les passages de l’Écriture où il est question de l’esprit de Dieu. Car l’esprit de Dieu, l’esprit de Jéhovah ne signifient en certains endroits rien autre chose qu’un vent très-violent, très-sec, un vent funeste ; ainsi dans Isaïe (chap. xl, vers. 7) : « Et un esprit de Jéhovah souffla sur lui, » c’est-à-dire un vent sec et funeste ; et dans la Genèse (chap. i, vers. 2) : « Et le vent de Dieu (c’est-à-dire un vent très-violent) souffla sur les eaux. » — Esprit signi-