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THÉOLOGICO-POLITIQUE.

qu’il à portée contre vous) je n’ai point parlé en termes obscurs ; aussitôt qu’elle a été (prononcée), je suis venu (ainsi qu’il l’a témoigné au chap. vii) ; mais maintenant je suis un messager de joie, et la miséricorde de Dieu m’envoie vers vous pour célébrer votre délivrance. » On peut aussi entendre, je le répète, la volonté de Dieu révélée par la Loi, c’est-à-dire que le prophète est venu les avertir suivant l’ordre de la Loi, exprimé dans le Lévitique, au chap. xix, vers. 17. Il les avertit donc dans les mêmes conditions et de la même manière que faisait ordinairement Moïse. Et enfin il termine, comme Moïse, en leur prédisant leur délivrance. Toutefois la première explication me semble plus d’accord avec l’Écriture.

Pour en revenir enfin à notre objet, on voit par toute la discussion qui précède ce qu’il faut entendre par ces phrases de l’Écriture : L’Esprit de Dieu a été donné aux prophètes ; Dieu a répandu son Esprit sur les hommes ; les hommes sont remplis de l’Esprit de Dieu, du Saint-Esprit. Elles ne signifient rien autre chose sinon que les prophètes se distinguaient par une vertu singulière et au-dessus du commun, qu’ils pratiquaient la vertu avec une constance supérieure, enfin qu’ils percevaient l’âme ou la volonté ou les desseins de Dieu. Nous avons montré en effet que cet Esprit, en hébreu, signifie aussi bien l’âme elle-même que les desseins de l’âme ; et c’est pour cela que la Loi, qui exprime les desseins de Dieu, est appelée l’esprit ou l’âme de Dieu. L’imagination des prophètes, en tant que les décrets de Dieu se révélaient par elle, pouvait donc être appelée au même titre l’âme de Dieu ; et les prophètes, dans ce sens, avaient l’âme de Dieu. Mais quoique l’âme de Dieu et ses éternels desseins soient gravés aussi dans notre âme, et que nous percevions en ce sens l’âme de Dieu (pour parler comme l’Écriture), cependant, comme la connaissance naturelle est commune à tous les hommes, elle a moins de prix à leurs yeux, ainsi que nous l’avons déjà expliqué ; surtout aux yeux des Hébreux, qui se van-