Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/194

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mêmes passions. Or cet idée est unie à la passion qu’elle représente de la même façon que l’âme est unie au corps (part la Propos. 21, part. 2) ; en d’autres termes (comme on l’a montré dans le Schol. de cette même Propos.), cette idée ne se distingue véritablement de cette passion, c’est-à-dire (par la Défin. génér. des pass.) de l’idée de l’affection du corps qui lui correspond, que par le seul concept. Donc la connaissance du bien et du mal n’est rien autre chose que la passion elle-même, en tant que nous en avons conscience. C. Q. F. D.


PROPOSITION IX

La passion dont on imagine la cause comme présente est plus forte que si on imaginait cette même cause comme absente.

Démonstration : Imaginer, c’est avoir une idée par laquelle l’âme aperçoit une chose comme présente (voyez la Défin. de l’imagination dans le Schol. de la Propos. 17, part. 2) ; et cette idée cependant marque plutôt la constitution du corps humain que la nature de la chose extérieure (par le Coroll. 2 de la Propos. 16, part. 2). Une passion, c’est donc (par la Définition générale des passions.) un acte d’imagination, en tant qu’il marque la constitution du corps. Or (par la Propos. 17, part. 2), l’imagination a plus de force, tant qu’on n’imagine rien qui exclue l’existence présente de la chose extérieure. Donc aussi la passion dont on imagine la cause comme présente devra être plus forte que si on imaginait cette même cause comme absente. C. Q. F. D.

Scholie : Quand j’ai dit plus haut, dans la Propos. 18, part. 3, que l’image d’une chose future ou passée nous affectait de la même manière que si cette chose était présente, j’ai expressément averti que cela n’était vrai qu’en tant que nous considérons seulement l’image de la chose ; car cette image est de même nature, soit que nous ayons déjà imaginé la chose, soit que nous ne l’ayons pas encore imaginée. Mais je n’ai point nié que cette image ne devînt plus faible quand nous venons à contempler des choses présentes qui excluent l’existence