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Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/250

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droit suprême de la nature permet à chacun de faire tout ce qui peut lui être utile.


CHAPITRE IX

Rien ne peut être plus conforme à la nature d’une chose que les autres individus de la même espèce, et conséquemment (par le Chap. 7) rien ne peut être plus utile à l’homme pour conserver son être et jouir de la vie raisonnable que l’homme lui-même quand la raison le conduit. De plus, comme nous ne connaissons rien, entre les choses particulières, qui soit préférable à l’homme que la raison conduit, personne ne peut mieux montrer la force de son génie et son habileté qu’en faisant l’éducation des hommes de telle façon qu’ils vivent sous l’empire de la raison.


CHAPITRE X

Les hommes, en tant qu’ils sont animés les uns pour les autres d’un sentiment d’envie ou de passion haineuse, sont contraires les uns aux autres, et ils sont d’autant plus à craindre qu’ils ont plus de puissance que les autres individus de la nature.


CHAPITRE XI

Ce n’est point toutefois la force des armes qui dompte les cœurs, c’est l’amour et la générosité.


CHAPITRE XII

Il est utile aux hommes au plus haut degré de se lier entre eux et de former de tels nœuds que tous les hommes tendent de plus en plus à n’être qu’un seul homme ; en un mot, il est utile aux hommes de faire tout ce qui contribue à maintenir entre les hommes des relations d’amitié.


CHAPITRE XIII

Mais ici beaucoup d’art et de vigilance sont nécessaires. Car les hommes sont de nature très diverse (ceux qui vivent selon la raison étant en bien petit nombre), et malgré cette diversité, la plupart sont envieux et plus enclins à la vengeance qu’à la miséricorde. Vivre avec chacun d’eux en se conformant à son caractère, et toutefois être assez maître de soi pour ne pas partager les passions que l’on ménage, c’est l’ouvrage d’une force d’âme singulière. Ceux au contraire qui ne savent que gourmander les hommes, qui tonnent contre les vices au lieu d’enseigner les vertus, qui brisent les âmes au lieu