Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/283

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Bien que cet amour intellectuel de Dieu n’ait pas eu de commencement (par la Propos. précéd.), il a cependant toutes les perfections de l’amour, absolument comme s’il avait une origine, ainsi que nous l’avons supposé dans le Coroll. de la Propos. précédente. Et il n’y a là d’autre différence, sinon que l’âme a possédé éternellement ces mêmes perfections que nous avons supposé qu’elle commençait d’acquérir, et cette possession éternelle a été accompagnée de l’idée de Dieu comme de sa cause éternelle ; et certes, si la joie consiste dans le passage à une perfection plus grande, la béatitude doit consister pour l’âme dans la possession de la perfection elle-même.

PROPOSITION XXXIV

L’âme n’est sujette que pendant la durée du corps aux affections passives.

Démonstration : Un acte d’imagination, c’est une idée par laquelle l’âme aperçoit un objet comme présent (voyez la Déf. de l’imagination dans le Schol. de la Propos. 17, part. 2) et qui cependant marque plutôt l’état présent du corps humain que la nature de l’objet extérieur (par le Coroll. 2 de la Propos. 16, part. 2). En conséquence, une passion (par la Déf. générale des passions), c’est un acte d’imagination en tant qu’il exprime l’état présent du corps ; d’où il suit (par la Propos. 21, part. 5) que l’âme n’est sujette aux passions que pendant la durée du corps. C. Q. F. D. Corollaire : Il suit de là qu’il n’y a d’amour éternel que l’amour intellectuel.

Scholie : Si l’on examine l’opinion du commun des hommes, on verra qu’ils ont conscience de l’éternité de leur âme, mais qu’ils confondent cette éternité avec la durée, et la conçoivent par l’imagination ou la mémoire, persuadés que tout cela subsiste après la mort.

PROPOSITION XXXV

Dieu s’aime soi-même d’un amour intellectuel infini.

Démonstration : Dieu est absolument infini (par la Déf. 6, part 1), Par conséquent (en vertu de la Déf. 6, part. 2), la