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LETTRES.

ne la prennent pas, n’en sont pas moins des préceptes divins et salutaires ; et quant aux biens qui résultent de la vertu et de l’amour de Dieu, soit que nous les recevions des mains d’un Dieu qui nous juge, soit qu’ils émanent de la nécessité de la nature divine, en sont-ils, dans l’un ou l’autre cas, moins désirables ? Et de même, les maux qui résultent des actions ou des passions mauvaises sont-ils moins à craindre parce qu’ils en résultent nécessairement ? En un mot, que nos actions s’accomplissent sous la loi de la nécessité ou sous celle de la contingence, n’est-ce pas toujours l’espérance et la crainte qui nous conduisent ?

Les hommes ne sont inexcusables devant Dieu par aucune autre raison sinon qu’ils sont en la puissance de Dieu comme l’argile en celle du potier, qui tire de la même matière des vases destinés à un noble usage et d’autres à un usage vulgaire. Veuillez, Monsieur, méditer un peu ces pensées, et je m’assure, par l’expérience que j’en ai faite avec plusieurs personnes, que vous trouverez sans difficulté de quoi répondre aux objections vulgaires.

J’ai considéré la foi aux miracles et l’ignorance comme choses équivalentes, par la raison que ceux qui prétendent établir l’existence de Dieu et la religion sur les miracles prouvent une chose obscure par une chose plus obscure encore et qu’ils ignorent au suprême degré ; de façon qu’ils inventent une espèce d’argumentation jusqu’à présent inconnue, qui consiste à réduire son contradicteur, non pas à l’impossible, comme on dit, mais à l’ignorance[1]. Du reste, je crois avoir expliqué assez clairement, si je ne me trompe, mon sentiment sur les miracles dans le Traité théologico-politique. Je n’ajouterai donc qu’un mot. Veuillez remarquer, Monsieur, que Jésus-Christ n’est point apparu, après sa mort, au sénat, ni à Pilate, ni à aucun infidèle, mais seulement aux saints ;

  1. Pour plus simple explication de ce passage, voyez l’Éthique, part. 1, Appendice.