Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/452

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vous ; mais après la lettre que vous m’écrivez, il faut bien que je me rende, et je vois aujourd’hui non-seulement que vous êtes entré dans l’Église romaine, mais qu’elle a en vous un très-zélé défenseur, et que vous avez appris à son école à maudire vos adversaires et à vous déchaîner contre eux en mille violences. J’avais d’abord résolu de ne rien répondre à tout cela, convaincu que le temps, mieux que la raison, vous ramènerait à vous-même et à vos amis ; sans parler d’autres motifs que je me souviens que vous approuviez jadis, quand nous nous entretenions de l’affaire de Stenon 2 (ce qui ne vous empêche pas de suivre maintenant ses traces). Mais quelques amis, qui ont partagé les espérances que je fondais sur votre excellent naturel, m’ayant instamment prié de ne pas manquer en cette rencontre aux devoirs de l’amitié, et de songer à ce que vous avez été plus qu’à ce que vous êtes, ces raisons et d’autres semblables m’ont déterminé à vous écrire ce peu de mots, que je vous prie de lire d’un esprit calme.

Je ne perdrai pas mon temps à vous peindre, comme font d’ordinaire les adversaires de l’Église romaine, les vices des prêtres et des pontifes, afin de vous donner pour eux des sentiments d’aversion : ces tableaux, inspirés le plus souvent par des passions mauvaises, sont plus faits pour irriter que pour instruire. J’accorderai même qu’il se rencontre dans l’Église romaine un plus grand nombre d’hommes de grande érudition et de mœurs irréprochables que dans aucune autre Église chrétienne : et cela est très-simple ; car, les membres de cette Église étant plus nombreux, il doit s’y trouver un plus grand nombre d’hommes de tel ou tel genre de vie, quel qu’il soit. En tout cas, une chose que vous ne pouvez nier, à moins qu’