Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 2, Lemerre, 1890.djvu/163

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Dont nul amphitryon n’élude la visite.
En effet, — le voici, l’œil cave et le front ras,
Qui dans la fête arrive, un cercueil sous le bras,
Ricane affreusement de sa bouche élargie,
Et met, brusque éteignoir, sa main sur la bougie.
Les heureux, les puissants, les sages et les fous,
Ainsi la maigre main doit nous éteindre tous !

Hélas ! depuis le temps que le vieux monde dure,
Nous la savons assez, cette vérité dure,
Sans nous montrer, Valdès, ce cauchemar affreux,
Ce masque au nez de trèfle, aux grands orbites creux,
Trous ouverts sur le vide, et qui font voir dans l’ombre
Les abîmes béants de l’éternité sombre !

Un autre eût borné là sa terrible leçon
Et se fût contenté de ce premier frisson ;
Mais Valdès te connaît, bienheureuse Séville,
De l’Espagne moresque ô la plus belle fille !
Toi, dont le petit pied trempe au Guadalquivir,
Et qui reçus du ciel tout ce qui peut ravir :
Les orangers vermeils et les frais lauriers-roses,
Le plaisir nonchalant, l’oubli de toutes choses,
L’amour et la beauté sous un soleil de feu,
Les plus riches présents qu’à la terre ait faits Dieu !
Il sait que, pour jeter à ton âme distraite
La morose pensée et l’angoisse secrète,
Pour faire dans ta joie apparaître la mort,
Il faut crier bien haut, il faut frapper bien fort !
Dans la seconde toile, où d’une lampe avare
Tombe sinistrement une lumière rare,
Des cercueils tout ouverts sont par file rangés,
Avec leurs habitants gravement allongés.
D’abord, c’est un évêque ayant encor sa mitre,