Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 2, Lemerre, 1890.djvu/77

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Comme Ingres le ferait pour un profil humain,
Recherche l’idéal et la beauté d’un arbre,
Et cisèle au pinceau sa peinture de marbre.
Il sait, dans la prison d’un rigide contour,
Enfermer des flots d’air et des torrents de jour,
Et dans tous ses tableaux, fidèle au nom qu’il signe,
Sculpteur athénien, il caresse la ligne,
Et, comme Phidias le corps de sa Vénus,
Polit avec amour le flanc des rochers nus.

Voici la Madeleine. — Une dernière étoile
Luit comme une fleur d’or sur la céleste toile :
La grande repentie, au fond de son désert,
En extase, à genoux, écoute le concert
Que dès l’aube lui donne un orchestre angélique,
Avec le kinnor juif et le rebec gothique.
Un rayon curieux, perçant le dôme épais,
Où les petits oiseaux dorment encore en paix,
Allume une auréole aux blonds cheveux des anges,
Illuminés soudain de nuances étranges,
Tandis que leur tunique et le bout de leurs pieds
Dans l’ombre du matin sont encore noyés.

— Fauve et le teint hâlé comme Cérès la blonde,
La campagne de Rome, embrasée et féconde,
En sillons rutilants jusques à l’horizon
Roule l’océan d’or de sa riche moisson.
Comme d’un encensoir la vapeur embaumée,
Dans le lointain tournoie et monte une fumée,
Et le ciel est si clair, si cristallin, si pur,
Que l’on voit l’infini derrière son azur.
Au-devant, près d’un mur réticulaire, en briques,
Sont quelques laboureurs dans des poses antiques,
Avec leur chien couché, haletant de chaleur,