Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 3, Lemerre, 1890.djvu/121

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Plus loin une beauté robuste,
Aux bras forts cerclés d’anneaux lourds,
Sertit le marbre de son buste
Dans les perles et le velours ;

D’un air de reine qui s’ennuie
Au sein de sa cour à genoux,
Superbe et distraite, elle appuie
La main sur un coffre à bijoux ;

Sa bouche humide et sensuelle
Semble rouge du sang des cœurs ;
Et, pleins de volupté cruelle,
Ses yeux ont des défis vainqueurs.

Ici, plus de grâce touchante,
Mais un attrait vertigineux.
On dirait la Vénus méchante
Qui préside aux amours haineux.

Cette Vénus, mauvaise mère,
Souvent a battu Cupidon.
Ô toi, qui fus ma joie amère,
Adieu pour toujours… et pardon !

Dans son cadre, que l’ombre moire,
Au lieu de réfléchir mes traits,
La glace ébauche de mémoire
Le plus ancien de mes portraits.

Spectre rétrospectif qui double
Un type à jamais effacé,
Il sort du fond du miroir trouble
Et des ténèbres du passé ;