Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 3, Lemerre, 1890.djvu/330

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


— Ce péplum chiffonné ne va pas comme il doit ! —
Voyons ! dis, mon miroir, suis-je toujours jolie ?
Ne vaudrait-il pas mieux rester ensevelie ?
Non ; — mon œil est limpide et mon profil est pur ;
Je suis coquette encor, — donc je vis, — c’est bien sûr !…
Mettons deux ou trois rangs de ces perles dorées,
Ce camée à l’épaule, et par ondes lustrées
Séparons ces cheveux où l’acanthe se tord.

— Deux mille ans de tombeau ne m’ont fait aucun tort !
Mais, où suis-je ? Le Temps a-t-il cloué sa roue ?
Est-ce une illusion qui de mes yeux se joue ?
Rien ne s’est donc passé pendant mon long sommeil.
Le volcan n’a donc pas vomi son feu vermeil.
Et l’histoire a menti ! — Pompéia vit encore !
Ce palais, que l’art grec, pur et sobre, décore.
C’est le mien, et mon pas y marche familier;
Comme un foyer antique il est hospitalier.
Entrez, sans avoir peur du précepte archaïque ;
Cave Canem ! — Le chien ne mord… qu’en mosaïque.
Vous entendrez, d’ailleurs, le Cerbère bravé,
L’oiseau qui dit : « Bonjour ! » le seuil qui dit : « Salve ! »
Sous le premier portique où l’on voit leurs images,
Panthée et le Génie attendent vos hommages. —
Je me reconnais bien. — Ici tout est resté
Comme au temps que votre âge appelle Antiquité :
Les murs de l’atrium, sur leurs parois unies,
Encadrant des sujets pris aux théogonies.
Les Dieux et les Titans, les éléments divers.
Le chaos primitif d’où jaillit l’univers,
La force créatrice et la force qui tue,
Prométhée appliquant la flamme à sa statue,
Éros, fils d’Aphrodite, et son frère Antéros,
L’invention des arts, les luttes des héros.