Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 3, Lemerre, 1890.djvu/90

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Et, parmi la foule priée,
Hôte inattendu, sous le banc,
Vole à la pâle mariée
Sa jarretière de ruban.

À chaque pas grossit la bande ;
Le jeune au vieux donne la main ;
L’irrésistible sarabande
Met en branle le genre humain.

Le spectre en tête se déhanche,
Dansant et jouant du rebec,
Et sur fond noir, en couleur blanche,
Holbein l’esquisse d’un trait sec.

Quand le siècle devient frivole,
Il suit la mode : en tonnelet
Retrousse son linceul et vole,
Comme un Cupidon de ballet,

Au tombeau-sofa des marquises
Qui reposent, lasses d’amour,
En des attitudes exquises,
Dans les chapelles Pompadour.

Mais voile-toi, masque sans joues,
Comédien que le ver mord,
Depuis assez longtemps tu joues
Le mélodrame de la Mort.

Reviens, reviens, bel Art antique,
De ton paros étincelant
Couvrir ce squelette gothique ;
Dévore-le, bûcher brûlant !