Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/98

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Il y a peu de passions où il n’entre de l’amour ou de la haine. La colère n’est qu’une aversion subite et violente, enflammée d’un désir aveugle de vengeance ; l’indignation, un sentiment de colère et de mépris ; le mépris, un sentiment mêlé de haine et d’orgueil l’antipathie, une haine violente et qui ne raisonne pas[1].

Il entre aussi de l’aversion dans le dégoût ; il n’est pas une simple privation comme l’indifférence ; et la mélancolie, qui n’est communément qu’un dégoût universel sans espérance, tient encore beaucoup de la haine[2].

À l’égard des passions qui viennent de l’amour, j’en ai déjà parlé ailleurs je me contente donc de répéter ici que tous les sentiments que le désir allume sont mêlés d’amour ou de haine.

40. — De l’estime, du respect et du mépris.

L’estime est un aveu intérieur du mérite de quelque chose ; le respect est le sentiment de la supériorité d’autrui.

Il n’a pas d’amour sans estime j’en ai dit la raison. L’amour étant complaisance dans l’objet aimé, et les hommes ne pouvant se défendre de trouver un prix aux choses qui leur plaisent, peu s’en faut qu’ils ne règlent leur estime sur le degré d’agrément que les objets ont pour eux. Et s’il est vrai que chacun s’estime personnellement plus que tout autre, c’est, ainsi que je l’ai déjà dit, parce qu’il n’y a rien qui nous plaise ordinairement tant que nous-mêmes. Ainsi, non seulement on s’estime avant tout, mais on estime encore toutes les choses que l’on aime[3], comme la chasse, la musique, les chevaux, etc. et ceux qui méprisent leurs propres passions ne le font que par réflexion, et par un effort de raison car l’instinct les porte au contraire.

Par une suite naturelle du même principe, la haine rabaisse

  1. [La haine semble être une colère d’habitude ; l’aversion, une forte antipathie ; l’antipathie, un instinct qui nous avertit que tel être n’est pas fait pour le nôtre. — V.]
  2. [Haine de quoi ? — V.]
  3. [Hors-d’œuvre ; à mettre dans le chap. de l’amour-propre. — V.]