Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parée à l’abondance élégante de Virgile, montre bien la différence du style de ces deux grands artistes peignant le même objet.

« Du reste, le mot impaluda rend parfaitement l’aspect des environs de Mantoue. En approchant de cette ville, il semble véritablement qu’on entre dans un autre climat ; des prairies marécageuses s’élève presque constamment une brume souvent fort épaisse. Par moments on pourrait se croire en Hollande.

« Tout l’aspect de la nature change : au lieu des vignes, on ne voit que des prés, des prés virgiliens, herbosa prata. On conçoit mieux ici la mélancolie de Virgile dans cette atmosphère brumeuse et douce, dans cette campagne monotone, sous ce soleil fréquemment voilé. »


Notons la nuance, mais n’y insistons pas trop et n’exagérons rien ; n’y mettons pas trop de cette vapeur que Virgile a négligé de nous décrire ; car il n’est que Virgile pour être son propre paysagiste et son peintre, et, dans la première des descriptions précédentes (je parle de celle de l’auteur anglais), on a pu le reconnaître, ce n’est, après tout, que la prose du paysage décrit par Virgile lui-même en ces vers harmonieux de la première églogue : Fortunate senex, hic inter flumina nota… Que tous ceux, et ils sont encore nombreux, qui savent par cœur ces vers ravissants se les redisent.

Ainsi Virgile est surtout sensible à la fraîcheur profonde d’un doux paysage verdoyant et dormant ; au murmure des abeilles dans la haie ; au chant, mais un peu lointain, de l’émondeur là-bas, sur le coteau ; au roucoulement plus voisin du ramier ou de la tourterelle ; il aime cette habitude silencieuse et tranquille, cette monotonie qui prête à une demi-tristesse et au rêve.

Même lorsqu’il arrivera, plus tard, à toute la grandeur de sa manière, il excellera surtout à peindre de grands paysages reposés.

Peu après qu’il eut quitté tout à fait son pays natal, nous trouvons Virgile du voyage de Brindes, raconté par Horace, que ce voyage soit de l’année 715 ou 717. Il rejoint en chemin Mécène et Horace ; il a pour compagnons Plotius et Varius, et l’agréable narrateur les qualifie tous