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de ce qu’il eût passé pour être s’il eût vécu chez les modernes ; je crois qu’il eût passé pour un peu mieux que cela, et que la vraie morale eût eu à se louer plus qu’à se plaindre de lui, aussi bien que la parfaite convenance. Et en acceptant même sur son compte les quelques anecdotes assez suspectes que les anciens biographes ou grammairiens nous ont transmises, et qui intéressent ses mœurs, on y trouverait encore ce qui répond bien à l’idée qu’on a de lui et ce qui le distingue à cet égard de son ami Horace, de la retenue jusque dans la vivacité du désir, quelque chose de sérieux, de profond et de discret dans la tendresse.

C’est ce sérieux, ce tour de réflexion noble et tendre, ce principe d’élévation dans la douceur et jusque dans les faiblesses, qui est le fond de la nature de Virgile, et qu’on ne doit jamais perdre de vue à son sujet.


II. SUITE DE LA VIE DE VIRGILE.


Il y a, en étudiant la vie de Virgile, à faire la part de ses beaux talents naturels, de sa vocation continue et manifeste, et celle aussi des circonstances uniques et des conseils incomparables qui le favorisèrent et l’enhardirent. Dans cette destinée et cette carrière si pleine de convenance et d’harmonie, les deux parts semblent également essentielles et se confondent : il n’est pas sans intérêt de les distinguer et de les démêler, pour en mieux admirer l’accord.

Virgile, dès sa jeunesse et dans ses productions premières, marquait déjà une inclination secrète d’imagination et d’âme vers les sujets et les points de vue qui allaient agrandir son horizon. Il avait en lui-même et il annonçait déjà les sources profondes qui ne demanderaient ensuite que le signal et la pente pour jaillir et composer