Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vers tant de hasards et tant de dangers, nous marchons vers le Latium, où les destins nous montrent des demeures paisibles. C’est là qu’il nous sera permis de relever l’empire de Troie. Soyez patients, et réservez-vous pour cet heureux avenir. »

Ainsi parle Énée. Au milieu des cruels soucis qui le dévorent, son visage feint l’espoir, et son cœur cache une douleur profonde. Les Troyens préparent leur proie et les mets du festin qui les attend. Ils dépouillent les côtes, et mettent à nu les entrailles. Les uns les divisent en parties, et enfoncent la broche aiguë dans les chairs palpitantes ; les autres disposent sur le rivage des vases d’airain, et attisent le feu qui les entoure. Bientôt une ample nourriture répare leurs forces épuisées. Couchés sur l’herbe, les Troyens se rassasient de grasse venaison et de vieux vin. Quand le repas a chassé la faim, et que les tables ont été enlevées, ils déplorent dans de longs entretiens la perte de leurs compagnons. Partagés entre l’espoir et la crainte, ils doutent s’ils vivent encore, ou si, ayant trouvé leur dernière journée, ils ne sont pas sourds à la voix qui les appelle. Le pieux Énée surtout gémit, tantôt sur le sort de l’ardent Oronte, tantôt sur celui d’Amycus. Il déplore en secret les cruels destins de Lycus, et du brave Gyas et du brave Cloanthe.

Les plaintes avaient cessé, quand, du haut de l’Olympe, le