Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/241

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sort en mugissant de la montagne, tel qu’une mer impétueuse, et presse la plaine de ses flots retentissants. C’est là qu’Antenor a fondé pour les enfants de Teucer la ville de Patavium, donné son nom à sa colonie, et suspendu les armes de Troie : maintenant il repose dans la paix du tombeau. Et nous qui sommes vos enfants, nous à qui furent promises les demeures célestes, abandonnés à la colère d’une seule ennemie, nous sommes, ô malheur ! privés de nos vaisseaux, et rejetés loin des bords de l’Italie ! Est-ce là le prix de la piété ? Est-ce donc ainsi que vous relevez notre empire ? »

Le père des dieux et des hommes, souriant à la déesse avec ce visage qui rend le ciel serein et calme les tempêtes, effleure d’un baiser les lèvres de sa fille, et lui parle en ces termes : « Cythérée, calme ta crainte : les destinées des tiens demeurent immuables. Tu verras cette ville et ces murs de Lavinium qui te sont promis, et tu élèveras jusqu’aux astres le magnanime Énée. Rien n’est changé dans ma résolution ; mais, puisque de tels soucis t’agitent, je vais dérouler à tes yeux, dans tout leur cours, les secrets du destin. Énée soutiendra en Italie une grande guerre ; il domptera des peuples belliqueux, leur donnera des villes et des lois jusqu’à ce que trois étés l’aient vu régner dans le Latium, et que trois hivers se soient écoulés depuis la soumission des