Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/293

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de moi, cherchant quels compagnons me restent : épuisés de fatigue, tous m’ont abandonné. Dans leur désespoir, les uns se sont précipités du haut des murailles, les autres se sont jetés au milieu des flammes.

J’étais resté seul. Tandis que les vives lueurs de l’incendie guident mes pas errants, et que je promène mes regards de tous côtés, j’aperçois sur le seuil du temple de Vesta la fille de Tyndare se cachant en silence dans cet asile écarté. Redoutant à la fois les Troyens irrités de la chute de Pergame, et la vengeance des Grecs, et le ressentiment d’un époux outragé, cette furie également fatale à Troie et à la Grèce s’était réfugiée là et se tenait, loin de tous les regards, sur les marches de l’autel. Une fureur soudaine s’allume dans mon cœur. La colère m’excite à venger ma patrie expirante, et à punir le crime de cette femme odieuse : « Eh quoi ! disais-je, elle reverra Mycènes et Sparte, sa patrie ! elle y rentrera reine et triomphante ! elle retrouvera son époux, ses aïeux, ses enfants, son palais, et traînera à sa suite un cortége de Troyennes et de Phrygiens, ses esclaves ! Et Priam sera tombé sous le glaive ! Troie aura péri dans les flammes ! et le sang des enfants de Dardanus aura si longtemps et tant de fois fumé sur ce rivage ! Non, il n’en sera pas ainsi. Quoique le châtiment d’une femme ne soit point un titre d’honneur, et qu’une pareille victoire n’ait rien de glorieux, on me louera du