Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/303

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un long exil t’attend : longtemps il te faudra sillonner les vastes mers. Tu aborderas aux rives de l’Hespérie, dans les fertiles campagnes où le Tibre promène son onde paisible. Là, des destins heureux, un trône, une épouse, fille des rois, seront ton partage. Cesse de pleurer sur ta chère Créuse. Non, je ne verrai point, en captive, les superbes demeures des Myrmidons ou des Dolopes ; non, je ne servirai point les femmes de la Grèce, moi, née du sang de Dardanus, et l’épouse du fils de Vénus ! La puissante mère des dieux me retient sur ces bords. Adieu ; conserve ta tendresse au fruit de notre mutuel amour. »

Elle dit ; je pleurais, je voulais lui parler de mille choses, quand elle disparaît et s’évanouit dans les airs. Trois fois j’étends les bras pour l’embrasser, et trois fois mes bras n’ont saisi qu’une ombre vaine, pareille aux vents légers, et semblable au songe qui s’enfuit.

La nuit achevait son cours, quand je rejoins mes compagnons : je m’étonne de trouver leur nombre grossi d’une foule de mères et d’hommes, peuple malheureux, réuni pour l’exil : ils étaient accourus de tous côtés avec ce qu’ils ont pu sauver de leurs richesses, et prêts à me suivre bravement en quelque lieu du monde que je veuille les conduire à travers les mers.