Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/314

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antique berceau. Alors il dit : « Ô mon fils, qu’éprouvent si longtemps les destins d’Ilion, Cassandre seule me prédisait de tels événements. Je me souviens, en ce moment, qu’elle annonçait cet avenir à notre race ; que souvent elle parlait de l’Hespérie et du royaume d’Italie. Mais qui pouvait croire que les Troyens viendraient aux rivages de l’Hespérie ? et qui de nous eût ajouté foi aux prédictions de Cassandre ? Cédons à Apollon ; et, sur la foi de ses oracles, suivons une meilleure route. » Il dit, et tous, pleins de joie, nous obéissons à ses ordres. Nous quittons cette demeure où nous laissons quelques Troyens. Le vent enfle nos voiles, et nos vaisseaux volent sur les ondes.

Lorsqu’ils eurent gagné la pleine mer, qu’aucune terre n’apparut plus à nos yeux, et que nous ne vîmes de toute part que le ciel, de toute part que les eaux, soudain s’arrête au-dessus de nos têtes un sombre nuage qui porte la nuit et la tempête ; et une ténébreuse horreur couvre les flots. Tout à coup les vents bouleversent la mer, et les vagues s’élèvent en montagnes. Nos vaisseaux dispersés sont ballottés sur le vaste gouffre. Les nuages ont voilé la clarté du jour ; une nuit humide cache le ciel, et des feux redoublés déchirent la nue. Jetés loin de notre route, nous allons, dans les ténèbres, à la merci des flots. Palinure lui-même déclare qu’il ne distingue plus dans le ciel ni le jour ni la nuit ;