Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/436

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ments ; que toujours la chaste Proserpine reste sans inquiétude dans le palais de son époux ; tu vois le Troyen Énée, illustre par sa piété et par ses armes, qui descend vers son père dans le noir séjour de l’Érèbe. Et si ce grand exemple de piété filiale ne peut t’émouvoir, reconnais du moins ce rameau ! » En même temps, elle découvre le rameau caché sous sa robe. À cet aspect, le vieux Charon, dont le cœur est gonflé par la colère, s’apaise ; il n’ajoute plus rien : il admire ce don sacré, cette branche fatale, que, depuis si longtemps, il n’a pas vue. Il tourne sa sombre barque, l’approche de la rive, écarte les autres âmes assises le long des bancs, et reçoit sur son bord le grand Énée. La frêle nacelle gémit sous le poids, et ses ais mal unis laissent pénétrer l’onde infernale. Enfin, le nocher transporte sur l’autre rive la Sibylle et le héros, et les dépose sur un impur limon, au milieu des plantes marécageuses.

Devant eux, l’énorme Cerbère, étendu dans son antre, fait retentir les noirs royaumes de son triple aboiement. La prêtresse, voyant déjà son cou se hérisser de serpents, lui jette un gâteau soporifique, pétri de miel et de pavots. Le monstre affamé, ouvrant ses trois gueules, saisit cette proie, et soudain allonge son énorme dos, se couche sur le sol, et remplit tout son