Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/476

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toi seule j’attends un service : qu’il soit ton ouvrage ! ne laisse point flétrir d’un affront ma gloire et ma puissance ; empêche les compagnons d’Énée de s’allier à Latinus par un mariage, et de s’établir sur le sol de l’Ausonie. Tu peux armer l’un contre l’autre les frères les mieux unis, semer la haine au sein des familles, secouer sous leurs toits tes fouets et tes torches funèbres. Tu as, pour nuire, mille prétextes, mille moyens. Déploie ton génie fécond : romps la paix projetée ; sème partout les fureurs de la guerre, et qu’au même instant une jeunesse ardente veuille, demande et saisisse les armes ! »

Aussitôt Alecton, infectée des poisons de la Gorgone, s’envole vers le Latium, pénètre dans le haut palais du roi de Laurente, et assiége le seuil silencieux d’Amate. Déjà l’arrivée des Troyens et l’hymen retardé de Turnus livraient la mère de Lavinie aux soucis inquiets, aux emportements d’une femme irritée. La déesse arrache un des serpents de sa chevelure azurée, le lance sur la reine et l’insinue jusqu’au fond de son cœur, afin que tout le palais soit troublé de ses transports. Le monstre se glisse entre les vêtements d’Amate, effleure son sein, déroule ses anneaux, sans la toucher : il l’abuse et l’égare en lui soufflant son haleine de vipère. Tantôt l’immense reptile se replie en collier d’or au cou d’Amate ; tantôt il pend en longues bandelettes, enlacé dans