Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/478

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dès que le poison du serpent infernal a pénétré dans ses veines et envahi tout son corps, l’infortunée, dont d’horribles images troublent la raison, précipite ses pas dans l’enceinte immense de la ville, et court errante, en proie à son délire. Tel, dans de vastes portiques, court et se meut, sous le fouet qui l’excite, le sabot que font tourner des enfants : la jeune troupe en extase admire, sans les comprendre, les mouvements du buis agile, et, par des coups redoublés, ranime sa vitesse. Telle, et non moins agitée, la reine court en désordre dans toute la ville, au milieu de ses habitants belliqueux. Et bientôt, dans sa fureur, qui s’accroît encore, s’emportant à de plus grands excès, elle feint les orgies des Ménades, s’enfuit dans les hautes forêts, et, sur les monts que couvrent d’épais ombrages, cache sa fille pour la dérober aux Troyens, ou pour retarder un hymen qu’elle abhorre : « Évoé ! crie-t-elle dans son égarement : viens, Bacchus ! toi seul es digne de cette vierge ! c’est pour toi seul qu’elle a pris le thyrse léger, pour toi qu’elle se mêle à nos chœurs et qu’elle nourrit sa chevelure sacrée. »

La Renommée sème en volant cette nouvelle ; soudain la même fureur enflamme toutes les mères, et les mêmes transports leur font chercher de nouvelles demeures. Les épaules nues et les cheveux livrés aux vents, elles désertent leurs foyers : d’autres rem-