Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/562

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flèche guerrière, et sa main renversa le courageux Numanus, surnommé Rémulus, que l’hymen avait naguère uni à la plus jeune des sœurs de Turnus : tout fier de cette alliance avec le sang royal, il marchait en avant des premiers rangs, et criait d’une voix tonnante :

« Eh quoi ! Phrygiens, deux fois captifs, vous ne rougissez pas de vous laisser assiéger de nouveau dans vos retranchements, et de mettre des remparts entre vous et la mort ! Les voilà donc ceux qui viennent nous disputer nos femmes, les armes à la main ! Quel dieu ou quelle fureur insensée vous amène en Italie ? Ce n’est point aux Atrides, ce n’est point à l’artificieux Ulysse que vous avez affaire ici. Race aguerrie dès notre berceau, à peine nos enfants sont-ils nés, que nous les plongeons dans les fleuves, et que nous endurcissons leurs membres au sein des ondes glacées par un froid rigoureux. Chasseurs intrépides, ils fatiguent les forêts de leurs courses. Dompter un coursier, tendre l’arc et décocher le trait, voilà leurs jeux. Habituée à tout supporter et à vivre de peu, notre jeunesse dompte le sol avec la charrue, ou renverse les villes en combattant. Nous passons notre vie le fer à la main, et du revers de nos lances nous fatiguons les flancs des taureaux. Le poids de la vieillesse n’ôte rien aux forces de notre âme ni à notre vigueur : chez nous le casque