Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/604

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mers, c’est ma main qui va te la donner. » En criant ainsi de toutes ses forces, il le poursuit, brandit son épée étincelante, et ne s’aperçoit pas que les vents emportent sa joie.

Par hasard, un vaisseau qui avait amené de Clusium le roi Osinius se trouvait encore amarré aux pointes d’un rocher, avec des échelles dressées, et son pont abattu. L’image tremblante du héros fugitif se hâte d’y chercher un asile : Turnus s’y précipite à sa suite ; mais à peine a-t-il atteint la proue, la fille de Saturne rompt le câble, et pousse le navire qu’entraîne le reflux des ondes.

Cependant Énée appelle au combat Turnus absent et livre à la mort tous les guerriers qui se trouvent sur son passage, tandis que, ne cherchant plus à se cacher, son ombre s’est dissipée, confondue avec les nuages, et que les vents emportent Turnus au milieu des flots. Ignorant la cause de ce prodige, et maudissant la puissance à laquelle il doit son salut, Turnus, élevant ses mains et sa voix vers le ciel, s’écrie :

« Puissant maître des dieux, m’avez-vous donc condamné à encourir un tel soupçon de lâcheté, et à recevoir un pareil châtiment ? Où vais-je ? D’où suis-je venu ? Comment, après ma fuite apparente, oserai-je reparaître ? Reverrai-je encore mon camp et les murs de