Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/612

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armes qui te charmaient, je te les laisse ; et (si cette faveur te touche encore) je te rends au tombeau et aux cendres de tes pères ! Ce qui peut te consoler de cette mort funeste, c’est que tu tombes sous les coups du grand Énée. » Il dit, et, gourmandant la lenteur des compagnons de Lausus, il soulève lui-même le jeune guerrier dont le sang souillait la belle chevelure.

Cependant Mézence, languissamment appuyé sur le tronc d’un arbre, étanchait avec l’eau du Tibre le sang de sa blessure : son casque est suspendu aux rameaux d’un saule voisin, et sa pesante armure est étendue sur la prairie. Entouré de l’élite de ses guerriers, faible, respirant à peine, et la tête inclinée sur sa poitrine que couvre une barbe longue et épaisse, c’est le danger de son fils qui seul l’occupe et l’inquiète ; il envoie de nombreux messagers pour lui porter ses ordres et le ramener auprès de lui. Cependant les soldats de Lausus rapportent en pleurant, étendu sur ses armes, le corps du jeune guerrier, enlevé par une mort héroïque. Ces cris, ces gémissements confirment bientôt les tristes pressentiments de Mézence. Il souille de poussière ses cheveux blancs, lève ses mains vers le ciel, et tient embrassé le corps de son fils. « Ô mon fils, s’écrie-t-il, ai-je donc pu aimer la vie au point de souffrir que celui qui est né de mon sang se livrât, à ma place, au fer de l’ennemi ! C’est à tes blessures que je dois mon salut, à