Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/65

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ait fait et vu et cherché, elle se retrouve sensible en présence de Virgile, et s’il fait naître une larme, — une de ces larmes d’émotion comme j’en ai vu rouler un jour dans les yeux d’un noble statuaire[1] devant qui un étranger osait, dans la galerie du Vatican, critiquer l’Apollon du Belvédère : l’artiste offensé ne répondit que par cette larme.

J’aime à marier ces deux ordres de beauté, à rapprocher ces chefs-d’œuvre de l’art noble ; contenu, poli, civilisé, qui enferment et disent plus de choses qu’ils n’en accusent. Je sais que l’Apollon, si admiré et presque adoré de nos pères, est moins en faveur aujourd’hui qu’autrefois ; une sculpture plus énergique a prévalu ; mais de son piédestal harmonieux il continue de régner toujours, et son calme fier n’a pas cessé d’être l’image du plus décent des poëtes. Car notez le rapport merveilleux et la parenté : de même que le Jupiter de Phidias, s’il s’était mêlé de peindre, aurait remonté à sa source et aurait peint comme Homère, de même l’Apollon du Belvédère, s’il se mêlait d’écrire, écrirait comme Virgile.


Sainte-Beuve.
  1. Fogelberg.