Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/660

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déserteur de l’Asie et, seul avec mon glaive, je repousserai les reproches que tous m’adressent, ou Énée sera maître des vaincus, et aura Lavinie pour épouse. »

Latinus lui répond avec calme : « Jeune et magnanime guerrier, plus vous excellez par le courage et par l’audace, plus je dois, avec une prudente sollicitude, prévoir les suites et peser les chances du combat. Vous possédez les États de Daunus votre père et les nombreuses cités conquises par votre valeur : l’or et le cœur de Latinus vous appartiennent également. Le Latium et le territoire Laurentin offrent encore d’autres jeunes vierges que leur naissance rend dignes de vous. Souffrez que je vous expose sans détour des vérités peu agréables sans doute, et pénétrez-vous bien de mes paroles. Les oracles des dieux et des hommes me défendaient d’unir ma fille à aucun de ses anciens prétendants. Vaincu par ma tendresse pour vous, vaincu par le sang qui nous lie et par les larmes d’une épouse désolée, j’ai rompu tous mes engagements ; j’ai ravi ma fille à son futur époux, et j’ai entrepris une guerre impie. De ce moment, vous voyez, Turnus, quels désastres ont suivi cette guerre, dont vous supportez vous-même les plus rudes travaux. Vaincus dans deux grandes batailles, à peine abritons-nous dans ces murs l’espoir de l’Italie. Notre sang a réchauffé les eaux du Tibre, et les ossements de nos guerriers blanchissent au loin nos