Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/113

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vent… ils ne le feront pas… je parlerai pour lui… ils ne lui feront pas de mal ! — Ô ma chère jeune demoiselle, pensez à votre grand’mère ; songez aux dangers et aux difficultés, ajouta Jenny ; car on le garde de près, jusqu’à ce que Claverhouse arrive, et il sera ici demain matin ; s’il ne lui donne pas pleine satisfaction, Tom Holliday dit qu’on l’aura bientôt expédié… À genoux… portez armes… en joue… feu. Tout comme ils ont fait au vieux sourd John Macbriar, qui n’avait pas entendu une seule des questions qu’on lui avait adressées, et qui perdit la vie faute d’avoir répondu. — Jenny, dit la jeune fille, s’il faut qu’il meure, je mourrai avec lui : ce n’est pas l’heure de parler de dangers et de difficultés ; je vais mettre mon manteau, et descendre avec vous au lieu où il est gardé. Je me jetterai aux pieds de la sentinelle, et je la prierai au nom de l’âme qu’il a à sauver… — Oh, grand Dieu ! » s’écria la suivante en l’interrompant, « notre jeune maîtresse aux pieds du soldat Tom, et lui parlant de son âme, quand le pauvre garçon sait à peine s’il en a une, si ce n’est lorsqu’il jure par elle ! Cela n’ira pas ainsi ; mais il faut que ce qui doit être soit, et je n’abandonnerai jamais deux vrais amants… Ainsi, s’il faut que vous voyiez le jeune Milnwood, quoique cela ne soit pas fort utile, selon moi, sinon que vos deux cœurs n’en seront que plus affligés, je veux bien en courir le risque, et j’essaierai de faire entendre raison à Tom Holliday, mais il faut que vous me laissiez agir à ma guise et que vous ne disiez pas un seul mot. C’est lui qui garde Milnwood dans la tour de l’est. — Allez, allez me chercher un manteau, dit Édith ; pourvu que je le voie, je trouverai bien quelque remède contre le danger… Hâtez-vous, Jenny, si vous tenez à être récompensée. »

Jenny sortit, et revint bientôt avec un manteau dans lequel Édith s’enveloppa de manière à couvrir son visage et à cacher en partie sa personne. Cette manière de disposer les manteaux était fort ordinaire parmi les dames de cette époque, jusqu’au commencement du siècle suivant : tellement que les vénérables pères de l’Église, concevant combien cette mode offrait de facilités à l’intrigue, lancèrent plus d’un décret contre elle. Mais la mode, alors comme toujours, l’emporta ; et tant qu’elle dura, les femmes de tous rangs se servaient de temps à autre de ces manteaux comme d’une espèce de masque ou de voile[1]. Ayant ainsi caché

  1. Le déguisement d’un individu, soit en public, soit dans une société nombreuse, était alors très-ordinaire. En Angleterre, où l’on ne portait pas de manteau, les dames se servaient de masques, et les galants jetaient le pan de leurs manteaux sur leur épaule gauche, de manière à se couvrir une partie de la figure. On cite fréquemment cette mode dans le journal de Pepys.