Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/149

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che se mêlait à la douleur, comme s’il lui eût dit adieu à jamais ; son premier mouvement ensuite fut de s’avancer avec fermeté jusqu’à la table devant laquelle le colonel Graham était assis.

« De quel droit, monsieur, » s’écria-t-il avec fermeté et sans attendre qu’on le questionnât ; « de quel droit ces soldats m’ont-ils arraché à ma famille, pour charger de fers les mains d’un homme libre ? — Par mes ordres, reprit Claverhouse ; et je vous ordonne maintenant de garder le silence et d’écouter mes questions. — Je n’en ferai rien, » répondit Morton d’un ton déterminé, tandis que sa hardiesse semblait confondre tous ceux qui l’entouraient. « Je saurai si je subis une détention légale, et si je suis en présence d’un magistrat civil, avant de laisser forfaire en ma personne à la charte de mon pays. — Voilà un joli gaillard, sur mon honneur ! dit Claverhouse. — Êtes-vous fou ? » dit le major Bellenden à son jeune ami. « Pour l’amour de Dieu, Henri Morton ! » continua-t-il d’un ton de reproche et de prière, « rappelez-vous que vous parlez à un des premiers officiers de Sa Majesté. — Et c’est pour cette raison même, monsieur, » reprit Henri avec fermeté, « que je veux savoir quel droit il a de me détenir sans un mandat légal : s’il était un officier de la loi, je reconnaîtrais que mon devoir serait de me soumettre. — Votre ami, » dit froidement Claverhouse au vétéran, « est un de ces messieurs scrupuleux qui, semblables au fou de la comédie, ne veulent pas attacher leur cravate sans l’ordre de monsieur le juge Overdo ; mais je lui apprendrai, avant que nous nous séparions, que mon épaulette est une marque aussi légale d’autorité que le bâton de juge. Ainsi, éloignons cette discussion ; et vous plairait-il, jeune homme, de me dire quand vous vîtes Balfour de Burley ? — Comme je ne sais pas quel droit vous avez de me faire cette question, reprit Morton, je refuse d’y répondre. — Vous avez avoué à mon sergent, dit Claverhouse, que vous l’aviez vu et reçu, tout en le connaissant pour un scélérat mis hors la loi. Pourquoi n’êtes-vous pas aussi franc avec moi ? — Parce que, reprit le prisonnier, je présume que votre éducation doit vous apprendre à connaître les droits que vous êtes disposé à fouler aux pieds ; et je désire que vous soyez convaincu qu’il est encore des Écossais qui savent défendre la liberté de leur pays. — Et je présume que vous soutiendriez ces droits supposés à la pointe de votre épée ? dit le colonel Graham. — Si j’étais armé aussi bien que vous, et si nous étions seuls sur un coteau ou une colline, vous ne me feriez pas deux