Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/185

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récage indiquait que les ennemis persévéraient dans l’attaque, que l’affaire était chaude, mais qu’il y avait tout à craindre d’un combat opiniâtre dans lequel des paysans sans discipline avaient à repousser l’assaut de troupes régulières si bien commandées et si bien armées.

Enfin des chevaux, dont l’équipement indiquait qu’ils appartenaient aux gardes-du-corps, commencèrent à fuir sans maîtres de tous côtés ; parurent ensuite des soldats démontés, qui, abandonnant le combat, grimpaient le long de la colline pour sortir de la mêlée. Comme le nombre de ces fugitifs augmentait, le sort de la journée ne fut pas long-temps douteux. On vit sortir de la fumée un gros corps de troupes, s’alignant irrégulièrement sur le penchant de la colline, et que retenaient difficilement ses officiers ; enfin le corps commandé par Evandale parut aussi en pleine retraite. Le résultat de la bataille devint alors évident, et la joie des prisonniers fut proportionnée à l’espoir qu’ils concevaient de leur délivrance prochaine.

« Ils ont fait une besogne qu’ils ne recommenceront pas, dit Cuddie. Ils fuient ! ils fuient ! » s’écria Mause extasiée. « Oh ! les farouches tyrans ! ils courent comme ils n’ont jamais couru. Oh ! les perfides Égyptiens ! les farouches Assyriens ! les Philistins ! les Moabites ! les Édomites ! les Ismaélites ! Le Seigneur a fait tomber des sabres tranchants sur eux pour qu’ils devinssent la proie des oiseaux de l’air et des bêtes des champs, oyez comme les nuages roulent et comme le feu brille derrière eux et marche devant les élus de l’alliance, semblable à la colonne de fumée et de feu qui a conduit le peuple d’Israël hors de la terre d’Égypte. Ce jour est vraiment un jour de délivrance pour les justes, un jour de tourment pour les persécuteurs et les impies ! — Que le Seigneur ait pitié de nous, ma mère ! dit Cuddie ; retenez votre maudite langue, et couchez-vous derrière le tertre comme Kettledrummle, le pauvre homme ! Les balles des républicains ne ménagent rien, et auront aussitôt fait d’abattre les cornes d’une vieille chanteuse de psaumes que de renverser un dragon furieux. — Ne crains rien pour moi, Cuddie, » reprit la vieille dame transportée de joie à la vue du succès de son parti ; « ne crains rien pour moi, je me tiendrai sur le haut de ce tertre comme Débora, et je chanterai mon cantique de malédictions contre ces hommes de la terre des gentils, dont les chevaux ont brisé leurs sabots en se cabrant. »