Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un des fauteuils de la salle, et sembla prête à s’évanouir. Jenny lui jeta de l’eau froide, lui brûla des plumes sous le nez, coupa ses lacets, et tenta tous les autres remèdes usités en pareille circonstance, mais sans obtenir aucun succès.

« Dieu me pardonne ! qu’ai-je fait ? » s’écria la femme de chambre dans son repentir. « Je voudrais qu’on m’eût coupé la langue ! Mais comment penser qu’elle allait prendre la chose ainsi, et encore pour un jeune homme ?… Oh ! miss Édith, chère miss Édith ! reprenez courage ; peut-être n’ai-je rien dit qui soit vrai… Oh ! je voudrais qu’on m’eût cousu la bouche ! On m’a toujours dit que ma langue me causerait quelque malheur. Dieu ! si milady, si le major, arrivaient ?… Et encore elle est sur le fauteuil où personne ne s’est assis depuis la fameuse matinée que le roi passa dans le château !… Oh ! que faire ? que devenir ? »

Tandis que Jenny Dennison se lamentait ainsi sur son sort et sur celui de sa maîtresse, Édith revint peu à peu de l’évanouissement où l’avait jetée cette nouvelle inattendue.

« S’il eût été malheureux, dit-elle, je ne l’aurais jamais abandonné : je ne l’ai pas abandonné, même quand il y avait honte et danger à plaider sa cause. S’il était mort, je l’aurais pleuré ; s’il avait été infidèle, je lui eusse pardonné ; mais rebelle à son roi… traître à son pays… complice des assassins… associé à d’infâmes meurtriers… persécuteur de tout ce qui est noble… ennemi avoué et sacrilège de tout ce qui est sacré !… Je l’arracherai de mon cœur dût cet effort me coûter la vie ! »

Elle essuya ses yeux, et se hâta de quitter le grand fauteuil, ou Le trône, comme lady Marguerite avait coutume de l’appeler, tandis que Jenny, tout épouvantée, s’empressait de secouer le coussin, pour qu’aucune trace ne montrât qu’on s’était assis à cette place sacrée. Cependant le roi Charles lui-même, grâce à la jeunesse et à la beauté, aussi bien qu’à l’affliction de l’usurpateur momentané de son fauteuil, n’eût probablement vu là aucune profanation. Jenny s’empressa alors de soutenir Édith, qui se promenait dans la salle et paraissait plongée dans une profonde méditation.

« Prenez mon bras, madame, prenez mon bras : il faut que le chagrin ait son cours ; et sans doute… — Non, Jenny, » dit Édith avec fermeté ; « témoin de ma faiblesse, vous le serez aussi de mon courage. — Mais vous vous appuyiez sur moi l’autre matin, miss Édith, quand vous étiez si mal. — Une affection coupable et