Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/254

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ley ; et il lui remit dans la main un grand nombre de réquisitions envoyées par le major Bellenden à différents propriétaires pour obtenir des grains, des bestiaux et des fourrages ; et telle en était la quantité qu’il semblait impossible que la garnison vînt à manquer de vivres. Mais Burley ne communiqua point à Morton une chose qu’il savait fort bien : c’est que la plupart de ces provisions n’étaient pas parvenues dans le château, vu la rapacité des dragons envoyés pour les recevoir ; car ils ne se faisaient pas scrupule de vendre à l’un ce qu’ils venaient d’obtenir d’un autre, et d’abuser des réquisitions du major pour les vivres, à peu près comme sir John Falstaff[1] abusait de celles du roi pour les levées de soldats. — « Maintenant, » continua Balfour, voyant qu’il avait produit l’impression qu’il désirait, « je n’ai plus qu’une chose à te dire, c’est que tu as su cette circonstance aussitôt que moi-même, car je n’ai reçu ces papiers que ce matin. Je te le répète, tu peux t’en aller avec joie vers Glasgow et travailler de tout cœur au grand œuvre, persuadé qu’il n’arrivera aucun malheur aux amis que tu as dans le parti des méchants, puisque leur fort est bien approvisionné, et que je ne garde avec moi que le nombre de soldats nécessaire pour les empêcher de nous échapper. — Et pourquoi, » répliqua Morton, que les raisonnements de Burley ne pouvaient convaincre, « pourquoi ne pas me laisser le commandement de cette petite division, et marcher vous-même vers Glasgow ? cette mission est la plus honorable. — Aussi, jeune homme, répondit Burley, n’ai-je rien négligé pour qu’on la confiât au fils de Silas Morton. Je commence à devenir vieux, et ces cheveux blancs ont affronté assez de périls pour être honorés par les gens de bien. Je ne parle pas des vains honneurs du monde, mais de la gloire réservée à quiconque ne travaille pas avec négligence à l’œuvre sainte. Ta carrière commence à peine ; il te reste à justifier la haute confiance dont tu as été investi sur ma recommandation. À Loudon-Hill tu étais prisonnier : au dernier assaut, ta division combattait à couvert, tandis que moi je dirigeais l’attaque la plus périlleuse aux yeux de tous ; et si tu restais maintenant devant ces murailles, quand tu peux agir ailleurs, crois-moi, les hommes diraient que le fils de Silas Morton n’a pas su marcher sur les traces de son père. »

Piqué de cette dernière observation, à laquelle, comme gentilhomme et comme soldat, il ne pouvait faire d’objection raison-

  1. Personnage de l’Henri V de Shakspeare. a. m.