Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/269

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« Asseyez-vous ! lui dit-il, pour l’amour de Dieu ! » Et il la força de prendre la seule chaise qu’il y eût dans l’appartement, pendant qu’il se promenait de long en large, livré à l’horreur et à l’impatience. Je ne savais rien de cela… je ne pouvais le savoir… Cœur froid ! fanatique au cœur de fer !… lâche menteur !… Cuddie, va chercher des rafraîchissements, du pain, du vin, s’il est possible… tout ce que tu trouveras. — Du whisky est assez bon pour elle, murmura Cuddie. On n’aurait pas cru que les bons mets fussent si rares parmi eux, à voir cette princesse me jeter sur le corps une marmite de bonne soupe bouillante. »

Jenny, toute faible et affligée qu’elle paraissait être, ne put entendre cette allusion à son exploit pendant l’assaut du château, sans laisser échapper un éclat de rire que son extrême faiblesse fit bientôt dégénérer en un ricanement convulsif. Effrayé de son état, et pensant avec horreur à la détresse des habitants du château, Morton réitéra ses ordres à Cuddie d’un ton plus impératif. Quand il fut parti, il s’efforça de ranimer le courage de la jeune fille.

« Vous venez, je suppose, par les ordres de votre maîtresse, lui dit-il, pour tâcher de voir lord Evandale… Dites-moi ce qu’elle souhaite… Ses désirs seront des ordres pour moi. »

Jenny parut réfléchir un instant.

« Votre Honneur, répondit-elle enfin, est un si ancien ami, que je puis me confier à vous et vous avouer la vérité. — Soyez assurée, Jenny, » dit Morton voyant qu’elle hésitait encore, « que vous ne pouvez mieux servir votre maîtresse qu’en me parlant avec sincérité. — Eh bien ! vous saurez donc que nous mourons de faim, comme je vous l’ai déjà dit, et il y a déjà plusieurs jours. Le major jure qu’il attend du secours d’un instant à l’autre, et qu’il ne rendra pas la place avant d’avoir mangé ses vieilles bottes, et vous devez vous souvenir que les semelles en sont épaisses. Les dragons voient qu’il faudra bientôt capituler, et ils ne peuvent se résigner à souffrir la faim, après avoir vécu à discrétion dans ces derniers temps. Depuis que lord Evandale a été pris, ils n’écoulent plus personne ; Inglis dit qu’il livrera la garnison aux whigs, avec le major et ces dames par-dessus le marché, s’ils veulent le laisser sortir librement lui et ses compagnons, — Les scélérats ! dit Morton ; pourquoi ne comprennent-ils pas dans la capitulation tous les habitants du château ? — Ils craignent qu’on ne leur refuse quartier à eux-mêmes, à cause de