Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/324

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d’être martyr, dit Morton. — Tant mieux pour lui, répliqua Claverhouse. D’ailleurs, quoi que ce garçon puisse avoir fait, je me déclare son protecteur à cause de la confiance un peu inconsidérée avec laquelle, la nuit dernière, il s’est jeté dans nos rangs lorsqu’il cherchait du secours pour vous, monsieur Morton. Je n’abandonne jamais un homme qui se livre à moi avec une si entière confiance. Mais je vous dirai franchement qu’il y a longtemps que j’ai l’œil sur lui… Holliday, apportez-moi le livre noir. »

Le sergent-major ayant remis à son général ce registre sinistre où les suspects étaient inscrits par ordre alphabétique, Claverhouse se mit à le feuilleter tout en marchant, et à lire les noms comme ils se présentaient.

« Cumblegumption, ministre autorisé, âgé de cinquante ans, homme fin, rusé : ce n’est pas cela… Ah ! ah ! le voici… Heathercat, prédicateur mis hors la loi, zélé caméronien : il tient un conventicule sur les monts Campsie. Ce n’est pas encore cela… Ah ! enfin, voici : Cuthbert Headrigg : sa mère puritaine exaltée ; pour lui, garçon fort simple… capable de se bien conduire dans une action, mais incapable de conduire une intrigue… meilleur pour la main que pour la tête ; on pourrait le ramener à la bonne cause sans son attachement pour… »

Ici Claverhouse regarda Morton, puis ferma le livre, et continua sur un autre ton : « La fidélité et le dévouement, monsieur Morton, ce sont là des mots qui ne manquèrent jamais de produire leur effet sur moi. Vous pouvez vous tenir assuré de la vie de ce jeune homme. — Un esprit aussi élevé que le vôtre, dit Morton, ne se révolte-t-il point de suivre un système qui exige des enquêtes si minutieuses sur des individus si obscurs ? — Tous ne supposez pas que nous ayons jamais pris cette peine, » répliqua le général avec hauteur ; « les curés, par zèle, autant que pour leur propre intérêt, recueillent ces renseignements, chacun dans sa paroisse ; ils en distinguent mieux les brebis noires du reste du troupeau. J’ai ici votre portrait depuis trois ans. — En vérité ! répliqua Morton : voudriez-vous bien me le montrer ? — Volontiers, dit Claverhouse, je n’y vois pas d’inconvénient. Vous ne pourrez vous venger de l’auteur de ce portrait, car probablement vous allez quitter l’Écosse pour quelque temps. »

Ces mots furent prononcés avec un air d’indifférence ; mais Morton, à qui ils annonçaient un exil loin de sa patrie, frémit involontairement. Avant qu’il eût pu répondre, Claverhouse re-