Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/328

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portées en triomphe devant leurs compagnons, les unes au bout de piques et de hallebardes, les autres dans des sacs sur lesquels étaient écrits les noms des victimes. Tels étaient les objets qui précédaient cette funèbre procession, dont tous les membres semblaient aussi irrévocablement dévoués à la mort que s’ils eussent porté le san benito comme les hérétiques condamnés à figurer dans un auto-da-fé[1].

Derrière ceux-ci marchait la foule obscure des prisonniers, au nombre de plusieurs milliers : quelques-uns, malgré leur infortune, étaient encore pleins de confiance dans la cause pour laquelle ils avaient combattu, et pour laquelle ils devaient sous peu donner un plus sanglant témoignage ; les autres paraissaient pâles, découragés, abattus, se reprochant, comme une imprudence, d’avoir épousé une cause maudite par la Providence, et cherchant quelque moyen d’échapper aux conséquences de leur témérité. Il y en avait d’autres qui semblaient incapables de penser, d’espérer ou de craindre. Accablés de soif et de fatigue, ils se traînaient à peine, comme des bœufs harassés qui ne savent si on les conduit à la boucherie ou au pâturage, et restent insensibles à tout, si ce n’est au sentiment de leur souffrance actuelle. Ces infortunés marchaient entre deux files de soldats suivis de la cavalerie, dont la musique militaire, répétée par les hautes maisons qui bordaient la rue, se mêlaient aux chants de joie et de triomphe des soldats et aux cris sauvages de la populace.

Morton sentit son cœur se serrer à la vue de cet affligeant spectacle ; et en reconnaissant sur les têtes sanglantes et sur les traits encore plus misérables et plus défaits des survivants, ces traits qui lui avaient été si familiers pendant la courte durée de l’insurrection, il se laissa tomber sur une chaise dans un état d’angoisse et de stupéfaction dont il fut tiré par la voix de Cuddie.

« Que le Seigneur nous pardonne, monsieur ! » s’écria le pauvre garçon en claquant des dents, les cheveux hérissés, et la figure pâle ; « que le Seigneur nous pardonne, monsieur ! nous allons paraître à l’instant devant le conseil… Hé ! grand Dieu ! que veulent-ils donc qu’un pauvre homme comme moi dise de-

  1. David Hackston de Rathillet, qui fut blessé et pris dans l’escarmouche d’Air’s-Moss, où périt le célèbre Cameron, fut, à son entrée à Édimbourg, d’après l’ordre du conseil, reçu par les magistrats à la Water-Gate, et placé à poil sur un cheval la tête du côté de la queue, et trois autres attachés à une barre de fer armée d’aiguillons, et ainsi promenés par les rues. La tête de Cameron était portée devant eux au bout d’une hallebarde.