Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/353

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jamais rien qui concerne ce gentilhomme, et, sur votre vie, ne soufflez jamais mot sur sa venue ici ou à la maison. Si je l’avais connu, je lui aurais cédé mon propre lit, et j’aurais passé la nuit ailleurs, ou bien il aurait poursuivi sa route ; mais maintenant il n’y a plus de remède. Ce que nous avons à faire, c’est de le faire partir demain matin de bonne heure : et je présume qu’il ne se pressera pas de revenir. — Mon pauvre maître ! dit Cuddie, je ne lui parlerai donc pas ? — Non, sur votre vie, répliqua Jenny. Vous n’êtes pas obligé de le reconnaître. Je ne vous aurais pas dit qui il était, si je n’eusse craint que vous ne le devinassiez sans moi demain matin. — Fort bien, » dit Cuddie en soupirant profondément ; « j’irai demain dans les champs labourer, car j’aime autant ne pas le voir, si je ne dois pas lui parler. — Très-bien pensé, mon cher ami, répliqua Jenny. Personne n’a plus de sens que vous quand vous raisonnez de vos affaires. Mais vous ne devriez jamais agir d’après votre tête. — On pourrait penser que cela est vrai, » dit Cuddie tout en continuant de se déshabiller et en se mettant au lit ; « car j’ai toujours eu quelque femme pour me faire faire sa volonté au lieu de la mienne. D’abord, pour commencer, ma mère… puis lady Marguerite, et encore se querellaient-elles sans cesse à mon sujet : celle-ci me poussait d’un côté, celle-là d’un autre ; vous auriez dit le boulanger entre le diable et Polichinelle, qui le tiraillent, l’un à droite, l’autre à gauche… et maintenant que j’ai une femme, » continua-t-il à demi-voix en se roulant dans les couvertures, « il paraît qu’elle doit aussi me mener à sa guise. — Et jamais, de toute votre vie, vous n’avez eu un si bon guide, » dit Jenny en se mettant au lit et en éteignant la chandelle. Là se termina la conversation.

Laissons ces deux époux reposer tranquillement à côté l’un de l’autre.

Le lendemain, de bon matin, deux dames à cheval, accompagnées de leurs domestiques, arrivèrent à Fairy-Knowe. Jenny, à sa grande confusion, reconnut à l’instant miss Bellenden et lady Émilie Hamilton, sœur de lord Evandale.

« Ne serait-il pas à propos que j’allasse mettre tout en ordre à la maison ? » leur dit Jenny toute troublée de leur apparition inattendue. — Nous n’avons besoin que du passe-partout, répondit miss Bellenden ; Gudyill ouvrira les fenêtres du petit parloir. — Le petit parloir est fermé à clef, et la serrure en est dérangée, » dit Jenny qui se rappelait qu’il existait une communication entre