Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/356

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la légère lady Émilie ; « j’espère que vous donnerez de bonnes raisons à miss Bellenden pour l’avoir obligée de se lever de si grand matin. » Et en parlant ainsi, elle les laissa ensemble, sans attendre sa réponse.

« Maintenant, milord, dit Édith, puis-je connaître le motif, extraordinaire sans doute, qui vous porte à me demander un rendez-vous en cet endroit et de si bonne heure ? »

Elle allait ajouter qu’elle se trouvait à peine excusable d’être venue à ce rendez-vous ; mais, en levant les yeux sur celui à qui elle parlait, elle remarqua sur son visage une expression si singulière et une telle agitation, qu’elle s’interrompit tout à coup, et s’écria : « Mon Dieu ! milord, qu’avez-vous donc ? — Les fidèles sujets de Sa Majesté[1] ont remporté une grande victoire, une victoire décisive près de Blair-d’Athole ; mais hélas ! mon noble ami, le lord Dundee… — Est mort… » dit Édith achevant elle-même la phrase.

« Il est vrai… il n’est que trop vrai !… il est mort dans les bras de la victoire ; et pas un homme de talent et de crédit ne reste pour le remplacer au service du roi Jacques. Ce n’est pas en ce moment, Édith, qu’il faut composer avec son devoir : j’ai donné ordre de mettre mes vassaux sous les armes, et je dois prendre congé de vous ce soir. — Ne pensez point à cela, milord, répondit Édith : votre vie est nécessaire à vos amis, ne la risquez pas dans une entreprise si hasardeuse. Que peut votre seul bras, aidé d’un petit nombre de vassaux, contre toutes les forces de l’Écosse, les clans des Highlanders exceptés ? — Écoutez-moi, Édith, reprit lord Evandale : je ne suis pas aussi téméraire que vous le supposez, et dans une démarche si importante, je ne suis pas uniquement dirigé par les opinions ou par les vœux de ma famille. Le régiment des gardes, dans lequel j’ai si long-temps servi, quoique réorganisé et commandé par de nouveaux officiers depuis l’usurpation du prince d’Orange, conserve une secrète prédilection pour la cause de notre souverain légitime, et… (ici il baissa la voix, comme s’il eût craint que les murs de l’appartement ne pussent l’entendre) quand on apprendra que j’ai mis le pied dans l’étrier, deux régiments de cavalerie ont juré de quitter le service de l’usurpateur et de se ranger sous mes ordres. Ils n’attendaient que l’arrivée de Dundee dans les basses terres ; mais, puisqu’il n’existe plus, quel officier, parmi ceux qui lui

  1. C’est du roi déchu Jacques II que parle lord Evandale. a. m.