Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/370

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née ; et jamais tu ne sauras que Henri Morton respire encore. »

Au moment où il formait cette résolution, se défiant de ses forces pour l’accomplir, il songea à suppléer par la fuite à la fermeté que le son de la voix d’Édith affaiblissait en lui de plus en plus ; il se précipita donc hors du petit cabinet par la fenêtre qui donnait sur le jardin.

Mais quelque irrévocable que lui semblât sa détermination, il ne put cependant quitter le lieu où les derniers accents d’une voix si chère retentissaient encore à son oreille, sans jeter, par la fenêtre du salon, un dernier regard sur l’aimable fille. Au moment où il céda à cette tentation, Édith tenait ses yeux fixés sur la terre ; mais elle les leva tout à coup, et ce fut alors qu’elle aperçut Morton, et quand le cri d’étonnement qu’elle poussa eut fait comprendre à son fidèle et malheureux amant qu’elle l’avait vu, il s’enfuit comme s’il eût été poursuivi par les furies, passa près d’Holliday sans le reconnaître, sans même le voir, s’élança sur son cheval, et par une sorte d’instinct plutôt que par réflexion, se jeta dans le premier chemin de traverse, au lieu de prendre la grande route d’Hamilton.

Selon toutes les probabilités, ce fut ce qui empêcha lord Evandale de savoir que Morton existait encore ; car, à la nouvelle de l’importante victoire remportée par les Highlanders à Killiecrankie, le gouvernement, craignant quelques mouvements parmi les jacobites des basses terres, avait donné l’ordre qu’on gardât soigneusement tous les passages : on n’avait pas oublié d’établir un poste sur le pont de Bothwell, mais les sentinelles n’avaient vu passer aucun voyageur allant vers l’est ; et leurs camarades stationnés dans le village affirmèrent non moins formellement que personne n’y était passé allant vers l’ouest. L’apparition de Morton aux yeux d’Édith et de Tom Holliday devint donc plus incompréhensible que jamais pour lord Evandale. Il se détermina enfin à croire que l’imagination troublée et exaltée d’Édith avait créé le fantôme qu’elle pensait avoir vu, et que Tom Holliday, par une coïncidence inexplicable, avait été frappé de la même idée superstitieuse.

Cependant le sentier que Morton suivait avec toute la vitesse dont son cheval était capable le conduisit en quelques secondes sur les bords de la Clyde, à un endroit qu’aux traces des pas imprimées sur le sable on reconnaissait pour un abreuvoir. Le cheval de Morton, lancé au grand galop, ne s’arrêta pas un instant,