Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/386

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conduit vers les montagnes (vous la reconnaîtrez à un vieux tronc de frêne couché près d’un rocher, à l’endroit où les chemins se joignent) ; et, en allant toujours droit devant vous, vous arriverez au cabaret de la veuve Maclure ; car du diable si vous voyez une autre maison, dans un espace de dix milles d’Écosse, qui en valent au moins vingt d’Angleterre. Je suis fâché que Votre Honneur ne veuille pas coucher cette nuit chez moi ; mais la belle-sœur de feu mon épouse est une digne femme, et le bien qu’un ami fait à son ami n’est pas perdu pour lui. »

Morton paya son écot et partit. On était en été ; à la fin du jour il se trouva près du vieux tronc de frêne, et il entra dans le sentier qui conduisait aux montagnes.

« C’est ici, pensa-t-il, qu’ont commencé mes infortunes ; c’est ici que Burley allait me quitter, la première fois que je le vis, quand une vieille femme, qui était assise derrière ce même frêne, vint l’avertir que tous les passages étaient gardés par des soldats. Il est bien étrange que, pour avoir rempli envers cet homme un simple devoir d’humanité, ma destinée se soit trouvée invariablement enchaînée à la sienne ! Plaise au ciel que je retrouve le calme et la tranquillité à l’endroit où je les ai perdus ! »

Tout en faisant ces réflexions, tantôt à haute voix, tantôt en lui-même, il s’engageait rapidement dans le sentier.

La nuit était peu obscure lorsqu’il entra dans une étroite vallée, jadis couverte de bois, mais qui n’était plus alors qu’une ravine dépouillée d’arbres : ceux qui restaient encore, situés sur le bord des précipices, ou poussant dans les fentes des rochers, semblaient défier l’approche des hommes et des animaux, comme les habitants d’un pays conquis vont chercher un asile sur le haut de leurs stériles montagnes. Quoique dégradés et presque morts, ces arbres attestaient encore l’antique beauté du paysage ; mais un ruisseau qui serpentait parmi leurs vieux troncs avec toute sa fraîcheur et sa rapidité, répandait sur ce désert la vie qu’un filet d’eau qui s’échappe des montagnes suffit pour donner au site le plus désolé et le plus sauvage, et cet attrait était plus puissant sur les habitants de ces contrées que la vue d’un fleuve majestueux qui s’avance lentement à travers une campagne fertile ou les riches jardins d’un palais. Le sentier suivait le cours de ce ruisseau, qui tantôt était visible et tantôt ne se faisait plus distinguer que par son bruyant murmure sur les cailloux ou dans les fentes des rochers qui çà et là formaient obstacle à son passage.