Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/409

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fuir. Je me trouverai heureux, » ajouta-t-il en lui prenant la main, « d’emporter vos regrets, puisque je n’ai pu obtenir votre tendresse. — Restez, milord ! » s’écria Édith d’une voix qui lui alla au cœur ; « le temps expliquera peut-être l’étrange événement qui m’a si fort troublée : mon esprit agité reprendra sa tranquillité. Ne courez pas à la mort, à une mort inévitable. Restez pour être notre secours, notre appui, et espérez tout du temps. — Il est trop tard, Édith, et je manquerais de générosité si je voulais profiter des sentiments que vous me montrez en ce moment. Je sais que vous ne pouvez m’aimer : une agitation d’esprit si violente qu’elle évoque devant vous l’image des morts ou des absents, indique une prédilection trop puissante pour céder jamais à l’amitié et à la reconnaissance. Mais, quand il en serait autrement, le sort en est jeté maintenant. »

Il finissait de parler, lorsque Cuddie se précipita dans l’antichambre, la terreur et l’effroi peints sur son visage. « Milord, s’écria-t-il, cachez-vous ! ils vont entourer la maison. — Ils ! qui ils ? dit lord Evandale. — Une troupe de cavaliers, commandée par Basile Olifant, répondit Cuddie. — Oh ! milord, cachez-vous, répéta Édith, mourante de frayeur. — Non, par le ciel ! répondit lord Evandale. De quel droit ce misérable m’attaquerait-il ou me fermerait-il le passage ? Je partirai, y eût-il là un régiment pour me barrer la route. Mon ami, dites à Holliday et à Hunter de conduire les chevaux dans la cour : et vous, chère Édith, adieu ! » Il la serra dans ses bras, et lui donna un tendre baiser ; puis, s’arrachant aux prières et aux larmes par lesquelles sa sœur et lady Marguerite s’efforçaient de le retenir, il s’élança hors de la maison et monta à cheval.

Tout était confusion dans cette demeure… Les femmes jetaient des cris de désespoir, et se précipitaient vers les fenêtres de la façade, d’où l’on pouvait voir une petite troupe d’hommes à cheval, dont deux seulement paraissaient des militaires, descendre la colline au pied de laquelle était la chaumière de Cuddie, et s’avancer avec précaution, comme ne sachant pas quelles forces on pourrait leur opposer.

« Il peut s’échapper ! il peut s’échapper ! s’écria Édith ; il le peut, s’il prend le sentier détourné ! »

Mais lord Evandale, déterminé à braver un danger dont sa bravoure ne lui permettait pas de mesurer toute l’étendue, ordonna à ses domestiques de le suivre, et s’avança au petit pas dans