Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/73

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Alison, paix ! » s’écria son maître ; « et vous, Henri, » ajouta-t-il d’un ton radouci, « chassez cette folie de votre cervelle ; ce sont ces soldats que vous avez vus hier à la revue qui vous ont tourné la tête : d’ailleurs, pour mettre à exécution toutes ces folies, tous ces beaux plans, il faut de l’argent, et vous n’en avez pas. — Je vous demande pardon, monsieur : mes besoins sont très-bornés, et s’il vous plaisait de me donner la chaîne d’or dont le Margrave fit présent à mon père après la bataille de Lutzen. — Miséricorde ! la chaîne d’or ! s’écria son oncle. — La chaîne d’or ! » répéta la ménagère ; et elle et son maître étaient comme stupéfaits d’une demande aussi audacieuse. — « J’en conserverai quelques anneaux, continua le jeune homme, en mémoire de celui qui l’a portée et du lieu où elle a été gagnée ; le reste me fournira les moyens de parcourir la même carrière où mon père obtint cette marque de distinction. — Dieu de miséricorde ! s’écria la gouvernante ; ne savez-vous pas, Henri, que mon maître la porte tous les dimanches ? — Les dimanches et les samedis, » ajouta aussitôt le vieux Milnwood, « chaque fois que je mets mon habit de velours noir. D’ailleurs, j’ai ouï dire à Wylie Mactrickit, que son opinion était que cette espèce d’héritage retournait plutôt de droit au chef de la famille qu’à la ligne descendante. Cette chaîne a trois mille anneaux ; je les ai comptés au moins un millier de fois. Sa valeur est de trois cents livres sterling. — C’est beaucoup plus que ce dont j’ai besoin, monsieur ; si vous consentez à me donner la troisième partie de sa valeur en argent, et cinq de ses anneaux, ce sera assez pour moi, et le reste servira à vous dédommager des dépenses et de l’embarras que je vous ai causés. — La cervelle de ce jeune homme n’y est plus ! s’écria son oncle. Oh ! bonté divine ! que deviendra la maison de Milnwood quand je serai mort ? Il vendrait la couronne d’Écosse si elle était en sa possession. — Écoutez, monsieur, reprit la vieille gouvernante, je vous dirai entre nous qu’il y a un peu de votre faute. Vous devriez au moins être plus généreux à son égard ; et, puisqu’il a assisté au tir et qu’il a gagné le prix, il est bien juste que vous payiez les dépenses qu’il a faites comme capitaine du Perroquet. — Si elles ne se montent qu’à deux dollars, Alison, » dit le vieux avare malgré lui. — « Je ferai ce compte là moi-même avec Niel Blane la première fois que je descendrai à la ville, dit Alison ; j’aurai meilleur marché que ne l’aurait Votre Honneur, ou M. Henri. » Et à ces mots elle dit à l’oreille de Morton : « Ne l’ennuyez pas