Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/139

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lady Rowena, et la proclamer reine de la beauté et des amours. Pour le punir d’avoir donné à cette dame une préférence qui venait eu quelque sorte contrarier ses desseins, Athelstane, confiant dans sa force et dans son habileté, que ses flatteurs ne manquaient pas d’exalter, résolut non seulement de priver du secours de son bras le chevalier déshérité, mais même, si l’occasion s’en présentait, de lui en faire sentir tout le poids.

De Bracy et d’autres chevaliers attachés au prince Jean s’étaient rangés parmi les tenants, d’après l’ordre de leur maître, qui désirait ne négliger aucun moyen pour assurer la victoire au parti commandé par Brian de Bois-Guilbert. Du côté opposé, beaucoup d’autres chevaliers, soit normands, soit anglais, s’étaient déclarés d’autant plus volontiers contre les tenants qu’ils étaient fiers de suivre un champion aussi brave que le chevalier déshérité.

Sitôt que le prince Jean vit que la reine du jour était arrivée, il vint à sa rencontre avec cet air de courtoisie qu’il savait si bien prendre quand il le voulait. Ôtant la riche toque qui ornait sa tête, il mit pied à terre, et offrit la main à lady Rowena pour l’aider à descendre de son palefroi, tandis que, le front découvert, l’un des premiers seigneurs de sa suite tenait la bride de ce superbe animal dont les hennissements semblaient dire qu’il était orgueilleux d’un tel fardeau.

« Notre devoir, dit le prince, est d’être le premier à donner l’exemple du respect dû à la reine de la beauté et des amours ; empressons-nous donc de l’escorter jusqu’au trône où le choix du vainqueur lui a acquis le doux privilège de s’asseoir aujourd’hui. Mesdames, ajouta-t-il, accompagnez votre souveraine, et rendez-lui tous les honneurs que vous recevrez un jour aussi sans doute vous-mêmes. » En parlant ainsi, le prince conduisait lady Rowena au siège d’honneur élevé vis-à-vis de son propre trône, tandis que les dames les plus distinguées par leur naissance et leur beauté se pressaient pour obtenir les places les plus rapprochées de leur reine éphémère. À peine fut-elle assise, que des fanfares et des acclamations rendirent à sa nouvelle dignité un hommage unanime. Les rayons du soleil, alors dans tout son éclat, se réfléchissaient sur les armes des chevaliers, qui, aux deux extrémités de la lice, se concertaient sur la manière dont ils disposeraient leur ligne de bataille et soutiendraient l’assaut.

Les hérauts d’armes commandèrent alors le silence, jusqu’à ce qu’on eût terminé la lecture des règles du tournoi. Elles étaient