Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/174

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pice, semblables au panache qui, ornant le casque d’un guerrier, donne de la grâce à un objet dont la vue ne devrait inspirer d’autre sentiment que celui de la terreur. La base de ce rocher servait d’appui à une hutte grossière, formée de troncs d’arbres coupés dans la forêt voisine et joints ensemble : un mélange d’argile et de mousse remplissait leurs interstices, ce qui en faisait un abri sûr contre les intempéries des saisons. La tige d’un jeune sapin dépouillé de ses branches, et qui portait un morceau de bois lié transversalement vers le haut, plantée près de la porte, offrait un emblème grossier de la sainte Croix. À une faible distance, à droite, une source d’eau limpide jaillissait du haut du rocher, et tombait dans une pierre creuse dont le temps avait fait un bassin naturel ; s’échappant ensuite, elle coulait avec un léger murmure dans un lit qu’elle s’était creusé peu à peu ; puis, après avoir fait plusieurs détours dans l’étroite clairière, elle allait se perdre dans un bois voisin.

Auprès de cette fontaine on voyait les ruines d’une petite chapelle, dont une partie du toit n’existait plus. Cet humble édifice, lorsqu’il existait dans son intégrité, n’avait jamais eu plus de seize pieds de longueur sur douze de largeur ; et le toit, dont le peu d’élévation était en harmonie avec ces proportions exiguës, reposait sur quatre voûtes ou arcades partant des quatre angles du bâtiment et supportées par quatre piliers massifs. Deux de ces arcades se voyaient encore, bien que la partie du toit qu’elles supportaient jadis se fût écroulée ; les deux autres étaient parfaitement conservées. On entrait dans cet antique édifice par une porte à cintre surbaissé dont le pourtour était décoré d’ornements en zigzag semblables à des dents de requin, comme on en voit encore dans les anciennes églises saxonnes. Sur le porche s’élevait un beffroi soutenu par quatre piliers, entre lesquels pendait la cloche verdâtre et calcinée dont le faible tintement avait été entendu quelques instants auparavant par le chevalier Noir.

Ce tableau simple et pittoresque, qui brillait des reflets du crépuscule, donna au chevalier l’espoir consolant d’y passer la nuit, car les ermites qui habitaient les forêts se faisaient un devoir d’exercer l’hospitalité envers les voyageurs égarés ou surpris par la nuit. Il ne prit donc pas le temps d’examiner en détail les lieux que nous venons de décrire ; mais remerciant saint Julien, patron des voyageurs, qui lui avait procuré un bon gîte, il descendit de cheval, et frappa du bout de sa lance à la porte de l’ermitage, afin d’appeler l’attention et de la voir s’ouvrir pour lui.