Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/262

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— Que le diable m’enlève et me laisse dans Ifrin[1] avec les âmes d’Odin et de Thor ! » s’écria Cedric hors de lui ; et probablement il allait continuer sur ce ton peu analogue au saint caractère dont il se couvrait, quand tout-à-coup il fut interrompu par la voix aigre d’Urfried, la vieille habitante de la tourelle.

« Comment, mignonne, disait-elle, est-ce ainsi que vous êtes reconnaissante de la bonté avec laquelle je vous ai permis de quitter votre prison ? Osez-vous forcer cet homme respectable à se mettre en colère pour se débarrasser des importunités d’une juive ?

— Une juive ! » s’écria Cedric profitant de la circonstance pour s’éloigner, « femme ! laisse-moi passer ; ne m’arrête pas davantage si tu ne veux t’exposer à ma colère : ne me touche pas, tu souillerais mes vêtements sacrés.

— Venez par ici, mon père, reprit la vieille sorcière ; vous êtes étranger dans ce château, et vous ne pourriez en sortir sans un guide. Venez, suivez-moi, car j’ai besoin de vous parler. Quant à vous, fille d’une race maudite, retournez dans la chambre du malade, veillez sur lui jusqu’à mon retour, et malheur à vous si vous vous éloignez encore sans ma permission ! »

Rébecca obéit. À force d’importunités elle était parvenue à obtenir d’Urfried la permission de descendre un moment de la tour ; et la vieille lui avait confié la garde du blessé, emploi qu’elle avait accepté avec joie. Tout occupée de leur danger commun, et prompte à saisir la moindre chance de salut qui pouvait s’offrir, Rébecca avait fondé quelque espoir sur la présence de l’homme pieux dont Urfried lui avait annoncé l’arrivée dans ce château infernal. Elle avait donc épié attentivement l’instant de son retour, dans le dessein de s’adresser à lui et de l’intéresser en faveur des prisonniers ; mais ses tentatives, comme on le voit, n’avaient été couronnées d’aucun succès.

  1. L’enfer des Scandinaves. Thor était leur dieu de la guerre. a. m.