Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/392

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yeux ni sur nous ni sur elle. Et qui sait si ce n’est pas par l’impulsion du démon qui le tourmente que sa main trace sur le plancher ces lignes cabalistiques ? Notre vie, notre sûreté, sont menacées peut-être par ces caractères ; mais qu’importe ? nous bravons les ruses de l’esprit impur : Semper leo percatiatur.

Le grand-maître parlait ainsi à voix basse à son confident, qui était assis à sa droite ; après quoi il s’adressa en ces termes à l’assemblée :

« Révérends et vaillants commandeurs, précepteurs, chevaliers du saint ordre du Temple, vous mes compagnons, mes frères et mes enfants ! vous aussi, dignes et pieux écuyers qui aspirez à porter cette sainte croix ! et vous aussi, chrétiens de tous les rangs et de toutes les classes ! apprenez que ce n’est pas faute d’avoir trouvé en nous un pouvoir suffisant, que nous avons convoqué cette assemblée ; car, quelque indigne que nous en soyons, en recevant ce bâton de commandement, nous avons été investi du pouvoir plein et entier de poursuivre et juger dans tout ce qui se rattache au bien et aux intérêts de notre saint ordre. Le bienheureux saint Bernard, au cinquante-neuvième chapitre des statuts qu’il a dressés pour notre ordre, tout à la fois militaire et religieux, a dit que les frères ne pourraient se réunir en conseil que par l’ordre ou sous le bon plaisir du grand-maître ; lui laissant la libre faculté de déterminer et de juger, comme l’ont toujours fait les dignes et vénérables pères qui nous ont précédé dans cette haute dignité, de l’objet, de l’époque et du lieu où l’ordre devait être convoqué en chapitre, soit général, soit partiel. Dans ces chapitres, disent encore les statuts, il est de notre devoir d’écouter les avis de nos frères, et d’agir ensuite suivant nos lumières particulières. Mais quand le loup furieux, fondant sur le troupeau, en emporte une brebis, il est du devoir du bon pasteur de rassembler tous ses compagnons afin de repousser l’ennemi avec l’arc et la fronde, d’après ce précepte bien connu, qu’il faut frapper sans cesse le lion rugissant.

« C’est pourquoi nous avons fait comparaître en notre présence une juive, nommée Rébecca, fille d’Isaac d’York, femme honteusement célèbre par les sortilèges et les enchantements qui lui sont familiers, et à l’aide desquels elle a corrompu le cœur et égaré l’esprit, non d’un serf, mais d’un chevalier ; non d’un chevalier séculier, mais d’un chevalier dévoué au service du saint Temple ; non d’un chevalier compagnon, mais d’un précepteur de notre ordre, également distingué et par la gloire qu’il a acquise et par le