Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/421

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lentement par les flammes d’un bûcher ; savoir que ses cendres seront dispersées à travers les éléments dont nos corps sont mystiquement composés ; ne pas laisser après soi un atome de ce corps si gracieux dans ce moment où il brille de toute la fraîcheur de la jeunesse… Rébecca, il n’est pas au pouvoir de la femme de résister à une pareille perspective ! tu céderas à mes instances ; tu écouteras mon amour.

— Bois-Guilbert, répondit la juive, tu ne connais pas le cœur de la femme, ou tu n’as jamais conversé qu’avec celles qui avaient perdu les plus nobles sentiments de la nature. Je te dis, fier templier, que jamais, dans tes batailles les plus sanglantes, tu n’as fait preuve d’un courage comparable à celui que peut déployer une femme quand l’affection ou le devoir le lui ordonne. Moi-même, je ne suis qu’une femme élevée avec tous les soins de la tendresse paternelle, naturellement timide dans le danger, et impatiente dans la douleur ; et cependant, lorsque nous entrerons l’un et l’autre dans la lice, toi pour combattre, et moi pour souffrir, je sens au dedans de moi l’assurance que mon courage surpassera le tien. Adieu ; je n’ai plus de paroles à perdre avec toi. Le peu de temps qui reste à la fille de Jacob à passer sur la terre doit être employé différemment : elle doit l’employer à chercher le consolateur, celui qui peut bien détourner les yeux de dessus son peuple, mais dont l’oreille est toujours ouverte au cri de quiconque l’implore avec ferveur et sincérité.

— C’est donc ainsi que nous nous séparons ? » dit le templier après quelques moments de silence ; « plût à Dieu que nous ne nous fussions jamais rencontrés, ou que tu fusses née noble et chrétienne ! Oui, lorsque je te regarde, et que je pense au lieu et au moment où nous devons nous revoir, je voudrais appartenir à ta nation dégradée, ma main comptant des shekels et remuant des lingots, au lieu de porter la lance et le bouclier ; courbant la tête devant le dernier des nobles, et n’inspirant d’effroi qu’au débiteur pauvre et insolvable ! Voilà, Rébecca, ce que je désirerais, et à quoi je consentirais pour passer ma vie avec toi, et pour éviter la part épouvantable que je dois avoir à ta mort.

— Tu dépeins le juif tel que l’a rendu la persécution de ceux qui te ressemblent. Le ciel, dans sa colère, l’a chassé de son pays ; mais l’industrie lui a ouvert à l’opulence et au pouvoir le seul chemin que l’oppression n’a pu lui fermer. Lis l’histoire du peuple de Dieu, et dis-moi si ceux par qui Jehovah a opéré tant de merveilles