Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/8

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de style qui les renfermera invariablement dans le même cercle de sujets. Mais il arrive bien plus souvent encore que le même talent qui fait obtenir à un homme la popularité dans un genre, sera pour lui une cause de succès dans tel autre : et cela est vrai surtout dans la littérature ; car celui qui se lance dans cette carrière n’est point, comme celui qui parcourt celle du théâtre, arrêté dans son essor par la nécessité de posséder la physionomie et la conformation physique propres à certains rôles, et il n’est point non plus enchaîné, comme le peintre, par certaines habitudes mécaniques qui forcent son pinceau à ne traiter qu’une classe particulière de sujets.

Que ce raisonnement soit juste ou non, l’auteur de cet ouvrage n’en a pas moins pensé qu’en se restreignant à des sujets purement écossais il courait le risque, non seulement d’épuiser l’indulgence de ses lecteurs, mais encore de s’enlever le moyen d’ajouter à leurs plaisirs. Dans un pays arrivé à un haut degré de civilisation, et dans lequel il se fait chaque mois une telle dépense d’esprit pour satisfaire à la curiosité du public, un sujet neuf, tel que celui que l’auteur a eu le bonheur de le rencontrer, est comme la source découverte dans le désert :

Les hommes la voyant la préfèrent à l’or,

Et tous l’appellent un trésor ;


mais lorsque les hommes, les chevaux, les bestiaux, les chameaux et les dromadaires n’y ont plus laissé qu’une eau vaseuse, ceux qui d’abord s’y étaient désaltérés avec délices s’en éloignent avec dégoût ; et celui qui avait eu le mérite de la découvrir doit, s’il veut conserver sa réputation auprès de sa tribu, se remettre sur nouveaux frais à la recherche de fontaines non encore visitées.

Si l’auteur qui se sent trop resserré dans une classe particulière de sujets, essaie de soutenir sa réputation, en s’efforçant d’attacher l’attrait de la nouveauté aux thèmes que jusqu’alors il a traités avec quelque succès, au delà d’une certaine limite il a quelque raison de craindre de ne plus réussir.

Si la mine a déjà été exploitée, le mineur épuise en vain ses forces et son talent ; si l’auteur imite de trop près les ouvrages auxquels il doit sa réputation, il est condamné à s’étonner de ce qu’ils ne plaisent plus ; s’il s’efforce d’offrir sous un autre point de vu les sujets qu’il a déjà traités, il reconnaît bientôt que ce qui était vrai, gracieux et naturel, a cessé de l’être : alors, pour obtenir le charme indispensable de la nouveauté, il est obligé de charger ses